Colère

La Fille partage ce bout de soirée avec vous,car il sort du cadre « petite fille modèle » de la Zébrette et que pour une fois elle a essayé de mettre des mots sur les maux… Peut-être que ça servira à d’autres mamans, d’autres enfants..

Ca commence par une Zébrette qui dîne tard (la faute aux vacances, aux amies de passage, au beau temps.. bref… ce n’est pas bien grave.. c’est même bon pour le moral).

Tout le monde est d’accord pour que Zébrette se couche tôt (enfin pas trop tard), et qu’elle lise jusque 21h30 (parce qu’elle est capable de veiller jusque minuit). Cela pour tenter d’apaiser ses angoisses du soir.

Bref, ce soir, 21h00, 21h15.. la Zébrette traîne encore et la Fille sent monter la boufaillisse..
La Fille doit lui faire une réflexion sur son heure de coucher ( à cette heure, la Fille ne se rappelle plus exactement laquelle), ce à quoi la Zébrette répond « mais je suis couchée!« .

Arggggggggg. Oui, depuis moins d’une minute. Si la Fille a un truc qui l’horripile, c’est qu’on se moque d’elle ouvertement. La Fille est très calme et hausse rarement le ton. Mais à force de lire sur la précocité de l’adolescence chez les EIP, elle ne veut pas laisser passer cela et dit fermement ce qu’elle pense de la réflexion. Il est 21h20. La Zébrette attend un câlin, un moment à deux. Elle peut attendre… Au moins 10 minutes… le temps d’arriver aux 21h30 réglementaires. Histoire qu’elle ait le temps de réfléchir à ce qu’elle venait de faire…

A l’heure dite, la Fille retrouve la Zébrette dans sa chambre. Une Zébrette colère, énervée et bien fermée sur elle-même. Pas vraiment agressive, mais pas vraiment dans la réconciliation. Petites discussions a sens presque unique (elle répond par quelques monosyllabes ou des trucs du style « tu peux y aller si tu n’as pas envie de rester.. ») qui ne la déride pas. La Zébrette argumente tout de même que ce n’était pas la peine de la laisser comme ça (sans câlin) parce qu’elle avait très bien compris qu’elle avait fait quelque chose de mal.. même si elle ne savait pas ce que voulait dire « insolence ». Mais elle accepte les câlins. Elle accepte que la Fille aille vers elle tout en refusant le moindre pas en retour. La Fille connait bien ce comportement 🙁

Mais si elle n’a pas la clé, elle sait que la bonne solution, pour elle et la Zébrette, c’est de continuer à l’assurer de son amour, de sa présence, de sa bienveillance, malgré .. ce caractère de cochon.

La Fille lance des perches, ouvre des portes. La Zébrette ne veut pas y répondre.

Cadenassée en elle.

Et à un moment, la Fille tente un coup de bluff. Elle se lève calmement.

« Tu vas où? »
« Je m’en vais car tu n’as pas l’air de vouloir que je reste« 

Et là, la Zébrette se retourne contre le mur.. avec de gros sanglots… C’est gagné!

La Fille la prend dans ses bras et la Zébrette lâche tout ce qu’elle peut de ses émotions retenues depuis une heure ou presque,encouragée par la Fille. Un peu inquiète la Zébrette que son père l’entende.. et alors ?
Elle pleure et lâche les vannes pendant plusieurs minutes..

Et ensuite, le ver de terre (elle en a au moins la tenue) va courir dans le jardin (la Fille précise qu’il n’y a pas de vis à vis chez elle… ouf..  ) pour se défouler (en passant par la fenêtre de la chambre, c’est plus drôle) et revient calmée faire le plus gros câlin possible à sa maman de Fille. (euh.. c’est clair là ???)

Et la Zébrette tente d’expliquer ce qui se passe en elle quand elle est énervée, avec une lucidité qui étonne encore la Fille.

Tu sais Maman, c’est comme une porte. D’habitude elle est ouverte, et j’aime quand tu entres et qu’on se parle. On l’ouvre facilement. Mais quand je suis énervée, c’est comme si je la fermais à clé et que je n’avais plus la clé. Je n’accepte plus rien. Je ne veux plus qu’on me parle ni parler. Et je garde ma colère en moi, cadenassée.
Alors tous les trucs que tu fais.. ça n’arrive pas à me faire sortir… pourtant ils sont utiles. Petit à petit, elle diminue ma colère. Pas assez pour que je sorte, mais elle diminue. Et ça me fait du bien de savoir que même enfermée en moi, tu es là et tu penses à moi et tu m’aimes.  Tu sais, j’ai très peur de dire des choses méchantes que je ne pense pas pendant ces moments là , et que ça blesse les gens. Toi, je sais que tu me comprends, alors ça ne te blessera pas (euh… c’est pas dit mais passons) mais les autres.. si je les blesse….Mais j’ai envie de dire des choses méchantes alors qu’elles sont fausses. Comme tout à l’heure j’ai failli te dire que tu n’étais pas belle alors que tu sais que c’est faux. J’entends tes paroles qui veulent être gentilles. J’ai envie de venir vers toi. Mais je ne peux pas. Parce que ce serait comme trahir une partie de moi. Tu comprends? Alors je ne le fais pas. Parce que j’aurais peur de me trahir et de le payer toute ma vie. C’est comme si il y avait une partie ange et une partie démon. Et trahir le démon ce n’est pas possible. Quand je cours dehors, ça me calme. C’est comme si le démon s’en allait de lui-même. Alors je ne le trahis pas, je ne me trahis pas. Oui je sais que tu ne me le propose pas de suite d’aller courir dehors et tu fais bien parce que je n’y arriverai pas quand je suis trop énervée, je refuse tout même ce qui est bon pour moi. Mais la prochaine fois (ah.. y’en aura une ???) tu peux essayer de me le proposer au début. Peut-être que la partie ange l’entendra , parce que tu sais, même si je ne réponds pas, même si je refuse tout.. je sais que tu as raison, je t’entends même si la porte est fermée. Alors peut-être que j’accepterai, que je me rappellerai de ce soir et que du coup je me calmerai plus vite..Tu sais, je refuse les choses que tu me proposes, comme les câlins, le manège (un jeu que l’on fait au moment du coucher) j’en rêve de les faire.. mais je me le refuse. Alors même que je sais que je rate un truc super qui ne se représentera plus (faut pas pousser quand même…il est super mon jeu de manège.. surtout à mon âge et au poids de la Zébrette.. mais il n’a rien d’extraordinaire et recommencera demain sûrement).Je sais que c’est idiot, que ce serait simple d’accepter, mais c’est plus fort que moi et ça me désole. Et tu sais maintenant.. je n’arrive plus à penser comme quand je suis dans ma colère. Je n’y suis plus.. alors tout me semble normal. Et je ne comprends plus ce qui fait que je veux rester avec la porte fermée. La prochaine fois (encore !!!) j’essaierai de m’en souvenir pour te raconter. 

Après tout ce long discours, l’heure du dodo avait bien sonné. Et comme chacun le sait, les émotions ça creuse, mais surtout le contrecoup donne sommeil…

Elle se lève pour un pipi et son père au salon l’attrape au vol pour lui demander pourquoi elle pleurait si fort. Et autre miracle du soir.. elle ose lui dire la vraie raison (à cause de son énervement) et en revenant dans la chambre elle était heureuse de ne pas s’être fait engueulée (comme si il allait le faire) et a reconnu que depuis quelques temps il la comprenait mieux.. Yep! « Tu sais.. papa et moi on a été enfants et adolescents avant toi.. on a connu ça aussi..! »

Il a fallu encore quelques « je vous aime, vous êtes les meilleurs parents du monde, de l’univers » lancés de la chambre vers le salon et le silence est revenu (le sommeil avec ?).

Pfffttt.. quelle soirée… La Zébrette n’a que 8 ans, mais il faut avouer que ces moments sont plus rares qu’avant.. Ouf..

4 thoughts on “Colère

  1. Merci beaucoup. On a un peu la même e zèbrette ici si n’a que 5 ans mais je pense que ce qu’a dit ta fille va aider la mienne… Merci à elle.. Et à toi d’avoir tout retranscrit

  2. Ah! Comme j’en ai vécu des moments comme ça ! Pas aussi détaillés car mon grand ne verbalise pas autant, mais quand il arrivait à se contrôler, il arrivait à exprimer ses sentiments et que de mots doux aussi, à la fin ! Aaaaaahh!!

  3. dur les colères :( c’est chouette qu’elle ait pu dire ce qu’il en était. Ici il n’arrive pas non plus à exprimer ce qui se passe (un peu un mur, puis il est plus petit, 6 ans et c’est un mec lol) et je l’ai déjà mis au jardin juste pour qu’il puisse sortir ça de manière moins dangereuse, en général, ça fonctionne bien aussi.

  4. J’en ai les larmes au x yeux de lire ce long témoignage et merci…
    J’ai vécu des moments similaires de trop nombreuses fois sauf que ma zébrette reste totalement cadenassée et ne s’est jamais livrée comme cela.
    Elle finit pas accepter mon calin, met longtemps à s’endormir et n’en reparle jamais.
    Et moi, je garde ce bout de mur, cette non-communication comme un poignard en moi et je culpabilise de ne pas savoir trouver la clé de son cadenas…
    Ce témoignage me donne le courage de persévérer jusqu’à trouver le bon déclic.

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