Je l’avais commandé il y a 2 jours, comme je le racontais dans ce post , et je l’ai reçu ce samedi.
Deux heures.. C’est le temps qu’il m’a fallu pour le lire.
Mais deux heures de larmes silencieuses, de colère, d’incompréhension. Deux heures de questions sans réponse.
A chaque page, se demander comment nous en étions arrivés à cette société là?
Comment comprendre notre responsabilité à tous ?
Les articles et études sont nombreuses qui expliquent que les enfants imitent pour apprendre, pour grandir…
Alors cette méchanceté gratuite, ce rejet de toute différence, cette exclusion volontaire de l’autre .. d’où vient-elle? De ces collégiens irresponsables (le sont-ils vraiment?) ? de l’imitation de leurs pairs, de leurs parents ? de nous, la société?
Cette méchanceté gratuite, cette dureté, cette exclusion.. nous la retrouvons ailleurs que dans les cours d’école n’est-ce pas?
Mais comment en sommes-nous arrivés là ?
Peut-être avons-nous toujours été comme cela? Je ne le crois pas. Je ne l’espère pas. Parce que si c’est l’aboutissement de je ne sais quelle dérive, alors il y a espoir d’incurver le cours des choses. Si c’est une partie de nous depuis toujours… alors nous pouvons trembler.
Il y a bien des choses qui me resteront de cette lecture.
Le prénom d’Emilie, de sa maman, de son père, de ses soeurs (et un peu moins celui de son frère, mais parce que moins présent dans le livre).
Ses poèmes, en français, en anglais..
L’impuissance de ceux qui l’aimaient, l’entouraient, se battaient pour elle.
La brutalité de ce qu’elle a vécu
La vacuité d’un but à cette brutalité
La dépression.. sans issue.
La délicate attention de sa dernière journée
La responsabilité même pas assumée de l’établissement
Le choix de ce collège si réputé pour assurer à Emilie une bonne éducation, la sortir des quartiers populaires, et lui offrir la possibilité d’un avenir meilleur. J’aurais fait (j’ai fait?) le même choix.
Les phases d’espoirs si souvent déçues
mais aussi
la volonté farouche de cette adolescente de 13 ans de ne rien en dire à ses parents, à sa soeur dont elle était si proche. Pour ne pas qu’ils sachent qu’elle était une sous-m…. (je n’arriverai pas à l’écrire même si c’est une citation).
Et je retiendrai, profondément, la question de cette maman amputée, morte de l’intérieur (je paraphrase)
« ces adolescents harceleurs pensent-ils qu’un jour ils seront parents ? qu’ils auront des enfants? qu’ils voudront protéger ?«
Cette projection me glace le coeur.
Je retiendrai la requête de la famille
« lorsque [les parents] pensent au sujet du harcèlement scolaire, ils n’imaginent pas leurs enfants, uniquement comme possibles victimes, mais aussi comme des harceleurs potentiels ou au moins des témoins passifs.«
Je retiendrai toute la pudeur mais aussi l’immense compréhension et l’acceptation du papa d’Emilie.
Et je pense à toutes les Emilie…
Je pense à toi aussi, si forte, Madeleine. A tes frères et soeurs, tes parents. Je connais ton histoire, je te connais. J’avais déjà de l’amitié pour ta famille, bien avant ta naissance.. et je sais les cicatrices qui restent encore, pas seulement dans ton âme. Je tremble en pensant que tu aurais pu être Emilie. Tu es à l’aube naissante de ta vie d’adulte… Je te souhaite d’en faire du beau, pour toi! La vie est devant toi ma belle.
Je pense aussi, comment un parent ne le ferait-il pas? à toi ma fille. Tu n’es pas harcelée, isolée dans ce nouveau collège public. Tu as des amies, même si tu n’es pas toujours certaine de la sincérité de leur amitié. Tu es invitée aux soirées pyjama, tu échanges des textos, des exos… tu n’as pas peur d’aller au collège.
Mais …… toi qui cache tellement aux autres ton ennui scolaire, ne pourrais-tu pas cacher autre chose de plus grave?
Toi qui aime te confier à moi, qui ne sais pas garder « un secret », le plus petit étant déjà trop lourd…. suis-je tellement sûre que tu me parlerais?
Toi qui me serres la main discrètement quand ça ne va pas, inversant, un temps, les rôles, toi qui sais, qui vis, toi qui m’assures de ton amour, de ta compréhension, toi qui montre au quotidien, ton empathie… toi qui portes aussi le poids de notre Amour, malgré nous.. oserais-tu nous dire que tu ne vas pas bien? Oserais-tu nous dire que, malgré tout ce que l’on fait pour te construire un monde d’amour et de bonheurs, tu n’es pas heureuse?
De temps en temps, par bribe, tu laisses échapper un signe. Comment savoir si c’est juste un signe isolé, un moment de blues, parce que, comme tout le monde, tu as le droit d’avoir des moments de blues? Comment savoir si ce n’est pas alors un voile levé quand l’insupportable déborde?
Comment savoir si tu es l’adolescente enthousiaste et joyeuse que tout le monde connait? Comment savoir si au collège cela se passe si bien que cela?
Alors j’imagine que vous pensez que je suis une mère excessivement anxieuse à trop vouloir le meilleur pour sa fille.
Mais les pièces d’un puzzle imaginaire, imaginé, se mettent en place.
-La phrase du professeur principal lors de la rencontre « parents-prof » qui te demande si les quolibets ont cessé, si les autres se comportent mieux… Mais tu ne m’en a jamais parlé. Enfin si… mais jamais comme en parle ce prof.. c’était si .. anecdotique dans tes mots.
-Ces mots que tu as lancé un jour, au bord des larmes, de la culpabilité de les dire… tu n’étais pas heureuse. Mais pas heureuse comment? Comme une ado en construction? Tu as eu du mal à le dire car tu avais honte de le penser, « avec tout ce que vous faite pour moi »…
-Ces élèves de ta classe qui te traitaient de chien. Etait-ce le début d’un harcèlement? Tu n’as pas voulu que j’intervienne, tu as géré avec tes copines et la vie sco et tu m’as rassurée… depuis elles devaient certainement continuer les insultes, mais tu ne les entendais plus. Ca t’allait.
-Ces affaires qui disparaissaient. Pas si grave… quelques stylos, une règle.
-Et là vendredi, tu es allée discuter avec la prof de français à la fin du cours. Tes affaires étaient prêtes sur ta table, ton carnet de correspondance, nécessaire pour sortir, c’était la fin de la semaine, posé sur ton sac. Quand tu es revenue à ta place, le carnet avait disparu. Tes copines ont bien confirmé que tu l’avais posé sur ton sac. Elles l’ont vu. Tu ne veux pas que j’intervienne. Tu iras à la Vie Sco lundi avec tes copines. Je loue cette volonté de gérer. Je pense que c’est plus impactant. J’admire ton autonomie et ta maturité. Mais est-ce que je fais bien? Est-ce qu’il ne s’agit que d’un vol de carnet? Pourquoi ?
Tu es une belle et jeune adolescente, qui excelle en cours, qui participe, qui fait le bonheur de tes professeurs. Tu es une belle et jeune adolescente qui comble tes parents. Tu es une belle et jeune adolescente avertie et mature. Tu nous parlerais n’est-ce pas si tu vivais « le quart de la moitié du commencement » (Cyrano de Bergerac/ Edmond Rostand) de ce qu’a vécu Emilie ou Madeleine ou Marion ou ….
Tu nous en parlerais?
Comment ne pas avoir nos antennes sorties pour nos enfants, quand on connait / on a connu ce passage de vie ? Comment leur dire que nous, parents, on s’inquiète sans les inquiéter, sans qu’ils se sentent le devoir de porter leurs problèmes ?
Avoir confiance… oui, mais jusqu’où ? Avoir confiance quand même… et rester disponible…
Dimanche soir, nous recevons l’appel d’un parent d’élève. Son fils a le carnet de correspondance de Zébrette. Chouette.
Ledit fils était vosiin de table de Z lors du dernier cours de vendredi. Il a peut-être pris le carnet en pensant que c’était le sien.
Mais son explication est autre. Il l’a retrouvé sur le parking du collège.
Option 1) il s’est trompé de carnet et a inventé l’histoire du parking pour se dédouaner ==> ras, pas bien grave. La vie reprend son cours normalement
Option 2) il a vraiment trouvé le carnet sur le parking. Alors quelqu’un de sa classe l’a volontairement pris, et balancé sur le parking ==> parano…. c’est pas la même histoire…
Alors… on choisit quoi ?
Que dire … ton article reflète parfaitement mes pensées alors je m’arrêterai là.
Les mêmes questions m’assaillent quand je tombe sur un livre ou un reportage sur le harcèlement : mes enfants me diraient-ils si ils étaient harcelés….!!??
bouleversant … bouleversée…Je pourrais dire les mêmes mots à propos de ma zébrette … Je reste attentive et j’espère qu’elle me parlera si elle en a besoin !
bouleversé…. Rester fort en effet et attentif aux moindres bruissements ….. de nos enfants…