Passe à ton voisin… C’est un peu cela Internet… Relayer des idées…
Ce matin, je n’essaierai pas d’écrire un billet, tant la lettre de cette principale de primaire/collège, partagée par Jean-François Laurent reflète ce que je pense, et le met si bien en mots.
Merci à eux deux pour autoriser le relais de cette lettre. C’est une réaction à l’émission de La Maison des Maternelles de ce début de semaine.
Vous trouverez plusieurs articles sur ce blog qui parlent ou du/des livres de Gabriel Wahl ou du courant d’idées qui voudrait que être HP, qui est une chance en soi, soit toujours vécu comme une normalité sans problème: lutter contre la pathologisation du HP, disent-ils.
Certes, il n’y a pas de pathologie systématiquement corrélée à une cerveau qui fonctionne différemment. Mais nier les particularités et les vulnérabilités de ces personnes est un excès inverse qui me boulverse. Tous ces efforts pour faire comprendre « aux autres » leurs fonctionnement particulier, pour aider l’école en particulier à s’adapter à eux (parce que bien sûr les HP pourraient/devraient s’adapter aux autres, mais il est certains âges où cette démarche venant de l’adulte est plus aisée). Vous avez une enfant HP… avec un peu de saut(s) de classe, tout ira bien et il ne sera qu’un être « plus », que du bonheur. Ca arrive!! La Zébrette ou moi-même en sommes souvent des exemples.
Mais pour une Zébrette (accompagnée à haute dose par des parents qui connaissent bien le sujet), combien d’enfants qui ne vont pas aussi bien que leur statut de HP devrait l’indiquer? Combien qui se noient dans l’ennui quotidien, parce qu’ils ont déjà compris, c’est un moindre mal, mais également parce qu’ils n’ont rien compris, hermétiques qu’ils sont au raisonnement présenté? Combien de larmes et de cris parce que ce qui érafle autrui les déchire (Flaubert) ? Combien de solitudes parce que justement leur fonctionnement et leur maturité (meilleure ou moins bonne) déconcertent leurs camarades? Combien de questions existentielles qui en amènent certains à se poser « pour de vrai » la question de leur utilité sur Terre ? Reste plus qu’à les culpabiliser de cela et la boucle sera bouclée.
J’ai écrit, en janvier dernier, un article parmi d’autres, qui met en lumière cette négation des spécificités des HP, déjà commencé dans les rangs de l’Education Nationale: D’un extrême à l’autre.
Je vous laisse à la découverte de la lettre de cette directrice d’établissement scolaire, qui a remis un peu de baume sur mon coeur un ‘tit peu meurtri 🙂
« Vingt minutes de télévision pour dire aux parents que c’est un bonheur d’avoir un enfant surdoué… L’émission les Maternelles qui laissait la parole au Docteur Wahl, pédopsychiatre, mettait en exergue la facilité d’avoir ce type d’enfant au motif qu’il n’est finalement pas tellement différent des autres. Quel leurre !
Certes, je ne suis pas médecin et mon propos n’est pas de remettre en question les études, l’expérience et le regard de ce monsieur.
Toutefois, j’ai la chance de diriger un établissement scolaire, 1er et 2nd degré avec un projet spécifique sur ce que l’on nomme la précocité. D’aucuns reprocheront qu’il s’agit-là d’une belle occasion d’augmenter les effectifs avec un projet racoleur. Ceux-là ne vivent pas le quotidien d’un établissement où les équipes pédagogiques mouillent la chemise plus qu’ailleurs.
Ceci posé, je suis d’accord avec le Docteur Wahl : avoir un enfant APIE (ndlr: appellation de Jean-François Laurent pour nommer les Atypiques Personnes dans l’Intelligence et l’Emotion) est une chance. Des discussions intéressantes, des centres d’intérêt originaux, des interrogations sur le sens de la vie sans fin, une capacité à argumenter qui force l’admiration. Tout ceci est fort bon mais cela ne suffit pas.
J’ai du mal à comprendre que l’on puisse attester qu’ils ne sont pas plus angoissés que les autres, voire moins, lorsque dans la même phrase l’on précise qu’ils ont des tourments métaphysiques et qu’ils mesurent avant les autres les enjeux du bien et du mal. De façon toute personnelle, je me réjouis rarement d’être tourmentée.
Quant au fait qu’ils ne soient pas plus sensibles que les autres mais qu’ils aient plus de talents pour exprimer leur sensibilité, j’y vois un raccourci susceptible de les faire passer pour des comédiens.
Les statistiques réduisant à 1% d’échec au brevet ces élèves-là sont sans doute le fruit du décrochage scolaire tellement plus présent chez eux. Du coup, ils ne se présentent pas, scolarisés à domicile ou orientés sur une voie différente dans les meilleurs des cas.
Alors … je vous invite. Je vous invite à venir passer une journée, une semaine, un mois dans cet établissement. Vous pourrez y observer que ce que vous dites peut être vrai pour les plus petits : globalement ils arrivent à faire face aux exigences posées par l’école, parfois avec douleur cependant.
Vous verrez que les choses se compliquent au collège.
Vous verrez que la chaîne alimentaire du monde animal les fait pleurer à chaudes larmes, vous observerez qu’il mettent du temps à se remettre d’une dispute avec leur meilleur copain et qu’ils sont bien incapables de faire l’exercice de maths demandé tellement ça les parasite. Jouent-ils la comédie ? Je veux bien le croire concernant l’exercice de maths mais quid de la chaîne alimentaire ?
Du coup, vous verrez des enseignants prendre du temps pour leur expliquer, temporiser « On va traiter ça à 11h, pour l’instant on fait des maths. », rester à midi, le soir pour discuter avec eux, pour les rassurer, pour leur imposer de travailler parce que le sens de l’effort … ils ne l’ont pas, contrairement à la curiosité qui leur est plus innée. Vous verrez ces enseignants prendre du temps pour les faire écrire quand ils refusent tant ils ont peur de laisser une trace, s’opposer quand ils débordent. Peut-être, simplement, leur apprendre la vie.
Vous verrez des professeurs parfois épuisés par ce quotidien mais heureux de leur être utiles, heureux de partager avec eux.
Vous verrez des parents agressifs parce qu’ils ont peur pour leur enfant qui ne fonctionne pas comme les autres, peut-être aussi parce qu’ils rejouent leur histoire scolaire durant laquelle ils n’ont pas été compris, vous les verrez lutter pour être entendus.
Vous verrez une équipe pédagogique chercher avec eux plutôt que contre eux, discuter, imposer, parler, tenir compte…
Vous verrez que non, ils ne sont pas tous heureux et que leurs tourments métaphysiques les amènent, plus que d’autres j’en témoigne, à remettre en question leur existence, et qu’ils soient dyslexiques, TDAH ou dyspraxiques en plus ne change rien à l’attention que nous leur devons parce que nous avons décidé de travailler avec eux et de les accompagner au mieux.
Je me réjouis, docteur, que vos petits patients entrent dans les cases et dans le flot de vos statistiques mais je me réjouis plus encore que certains de vos collègues qui travaillent le sujet depuis des années comme le docteur Revol, reçoivent des jeunes depuis longtemps, se tiennent disponibles pour les enseignants ou éducateurs que nous sommes afin d’avancer ensemble sur des pistes innovantes. Le mot important dans la phrase précédente est ENSEMBLE. Ces médecins ou psychologues ont l’humilité de reconnaître que nos métiers sont différents et qu’ils n’ont pas à faire face à vingt-cinq ou trente personnes mais à une seule qui est donc leur patient. Dans une classe nous accompagnons vingt ou trente impatients. Le regard est donc très différent, la posture et les besoins également.
Et pour vous être agréable, puisque les statistiques semblent votre carburant, je me permets de vous adresser les miennes :
Sur les 600 élèves que j’ai l’honneur d’accompagner dans les apprentissages, 35% de collégiens et 65% d’écoliers. Au total, 28% soit 168 élèves sont identifiés « précoces », « haut-potentiel » ou « surdoué ». Ils ont passé le test psychométrique qui l’atteste.
A la fin du collège, sur les 9,33% que représentaient les 3e, le taux d’échec de 5% ne concernait pas ces élèves. Nos APIE ont globalement réussi !
Et je gage que c’est précisément parce que nous avons tenu compte de leurs spécificités, de leurs particularités et qu’ils se sont sentis reconnus, appréciés, oserai-je dire aimés, dans un établissement prêt à y mettre une énergie peu commune mais nécessaire.
Oui, les « précoces » heureux existent et tant mieux mais j’avais besoin de vous dire que ceux qui peinent sans trouble associé et que vous semblez balayer d’un revers de statistique méritaient mieux que vingt minutes de télévision pour dire qu’ils n’existaient pas.
Venez, vous verrez ! »
Bonjour,
je découvre cette lettre ouverte ce jour, nous sommes le deux septembre 2018.
C’est la seule raison pour laquelle je n’y ai pas répondu plus tôt.
Sur d’autres blogs, j’ai longuement répondu à ces critiques et notamment sur :
http://les-tribulations-dun-petit-zebre.com/2017/10/02/video-la-precocite-intellectuelle-a-lhonneur-de-la-maison-des-maternelles-france-5-octobre-2017/
Bien à tous
Gabriel Wahl
Je suis scandalisée d’apprendre qu’on peut nier les difficultés si particulières à certains enfants HPI !! Certes certains vont bien, mais d’autres peinent grandement, notamment avec leur hyperémotivité qui les fait criser, fait criser leur entourage, et les rend encore plus malheureux de se faire rabrouer (la pédagogie positive n’est pas le don de tous les parents, grand-parents, oncles, professeurs…
. Merci pour la remise au point !
Bravo ! Merci de ce partage déculpabilisant ! J’ai 50 ans et l’enfant en moi est reste bloqué à la période scolaire collège, c’est une souffrance lourde et continue qui hypothèque une vie alors merci de remettre les choses en place en rappelant que (je) ne suis pas responsable d’avoir été incomprise et mentalement mal traitée. Merci !
Exactement le genre de lettre écrite avec les tripes qu’il fallait. Maintenant je vais faire se lever ma zèbrette pour une nouvelle journée de bonheurs et de tragédies.
Bravo !!! il fallait réagir à l émission Et cette lettre le fait avec pertinence MAPernet