Avec les autres, c’est toujours très compliqué.  En relation duelle ça se passe bien de façon générale.  Mais en groupe jamais.

C’est bien compliqué les groupes, et il ne suffit pas d’être TSA pour que cela pose problème. Et des témoignages d’enfants qui, comme elle, ne connait toujours pas les prénoms des élèves de sa classe en fin d ‘année, j’ai pu en récolter des dizaines. Pas tous de HP, encore moins de TSA.

L’Ado se sent toujours rejetée, pas acceptée. Pourtant de l’extérieur tout semble bien se passer.

Vu de l’extérieur toujours, elle peut être maladroite et par exemple rejeter ceux qui veulent l’aider. Comme elle n’arrive pas à mettre la bonne distance avec les personnes, la mise en relation est toujours délicate. Pour expliquer ces distances, ces cercles de proximités, la lecture du livre de Fabrice Bak « La précocité dans tous ses états » comporte un chapitre très instructif.

Vu de l’extérieur, les difficultés ne sont pas si flagrantes.

Vu de l’extérieur, les difficultés sont invisibles.

Mais vu de mes yeux, si je ne me rends pas toujours compte de ces difficultés invisibles, je vois bien leurs effets sur l’Ado. Je vois bien les efforts qu’elle fait et qui lui consomme son énergie. Je vois bien qu’à la fin du premier trimestre, chaque année, c’est le « surmenage », la cocotte bout…

Par contre, si il y a des situations qui lui vont parfaitement, où elle se sent à l’aise, situations dans lesquelles elle récolte toujours les compliments de l’adulte, c’est bien dans sa relation aux plus jeunes. Elle assistait jusque l’an dernier sa monitrice d’équitation pour les cours des petits et celle-ci n’arrêtait pas de louer sa patience et son savoir-faire. 

Avec ses pairs, que ce soit à l’école avec le décalage d’âge ou à l’équitation sans le décalage d’âge, elle ne se sent jamais bien.

C’est une de ses réflexions cette année qui a contribué à faire le pas du diagnostic.

Un soir, un de ces soirs propices aux discussions, couchée dans son lit à hauteur de mon visage, l’Ado explique : »C’est sûrement le cas pour tout le monde, mais pour moi c’est tout le temps. Je ne fais rien de moi-même car je vois bien que ça ne correspond pas à ce qui est attendu. Alors j’observe les autres et les imite. Dans telle ou telle situation, je réagirais d’une certaine façon mais je sens que ça me rendrait encore plus bizarre vis à vis d’autrui, du coup j’imite les autres pour me faire accepter.  Je ne sais jamais rien de façon naturelle, même à mon âge.  Mais je ne sais pas ce qui est mieux, maman, être moi et encore plus isolée ou faire semblant et tenter de me faire accepter… mais alors je ne serai jamais bien car jamais moi. »

Les « autres » ne lui sont pas hostiles. Mais je surprends parfois des échanges qui montrent qu’ils ressentent sa différence.

Sur son compte Instagram, un échange avec une camarade du lycée (et si l’écrit ne le transcrit pas bien, il n’y a aucune agressivité dans les propos… je connais la jeune fille et je pourrais entendre d’ici leurs rires communs avec l’Ado)

L’ado se trompe sur le département où habite cette jeune fille.
L’ado : « Bon, c’est bon… ça arrive de se tromper dans la vie. L’erreur est humaine. »
L’amie: « Mouais, peut-être que tu as fait exprès de te tromper pour simuler que tu es humaine…. Parce qu’on sait tous que tu es un Alien!« 

Un autre échange, alors que les internes l’accueillent dans une de leurs chambres, le temps que j’arrive (tardivement) au lycée.

Une interne : « Tu es surdouée? » (avec 3 ans d’avance… y’a des chances)
L’Ado : « Oui mais je n’aime pas ce mot et préfère HP »
L’interne : ‘Tu es un génie?« 
L’Ado : « Désolée (en riant) je n’ai pas de lampe et je n’exauce pas les vœux« 
L’interne : « En tout cas, tu es comme the Good Doctor« 

En fait elle subit une exclusion implicite. Plus jeune et pour en avoir discuté avec certains parents, c’était lié à des réactions mal adaptées (trop vives, trop spontanées, trop décalées, pas attendues… ) au moment ou à la situation.  Des réactions qui étaient à l’opposé de ce qu’elle est « en privé ».

Elle a toujours voulu faire chirurgien veto équin. Après voir adoré la série The Good Doctor (en VO) elle pense à un plan B si elle n’est pas admise en classe préparatoire BPCST. Le plan B c’est Médecine. Mais pour faire chirurgien (humain) ou pédiatre. “Parce que les adultes… ce n’est pas possible… ils faut gérer les relations sociales…non, je ne peux pas. Ou alors avec des tous-petits. Ou chirurgien, au moins les adultes ils sont endormis”. Mais vétérinaire, c’est bien. “Les animaux, au moins eux ils sont simples. Ils expriment clairement ce qu’ils veulent. Il n’y a rien à interpréter.

La relation aux autres, ce n’est pas seulement se faire ou pas des ami(e)s, se sentir intégrée ou pas dans un groupe,même si à l’adolescence cela devient important.

La relation aux autres, c’est avec tout le monde.

Il y a quelques mois, je la laisse chez l’opticien pour une réparation de lunettes. Quand on se retrouve 2h après, je lui demande si ça s’est bien passé. « Oui. Mais il me faisait peur. Ah non. Ce n’est pas lui en particulier, ce sont les humains qui me font peur! »

Elle a suffisamment de force et de volonté pour se faire violence (c’est comme ça que je le ressens) quand le sujet lui tient à cœur. Ce fut le cas pour plaider son 3° saut de classe; Mais ce fut le cas également lors de son premier concours équestre.  Après son passage elle se dirige au stand vidéo pour s’enquérir des prix des photos et vidéos. Elle repart et me lance très étonnée. « Tu as vu ? J’ai parlé !! »

Les filles sont des caméléons. La littérature le décrit bien souvent. Elles se suradaptent. Aussi, a-t-elle une vision suradaptée de ce qu’elle doit être.  Il y a peu, alors qu’une professeur la surprend en larmes dans la cour. « C’est terrible car je DOIS garder mon masque que tout va bien, je suis gaie, souriante, je gère, la vie est belle ». Et c’est ainsi qu’elle apparait aux yeux de tous. Une Ado « parfaite », heureuse et sans problèmes….

Pour terminer, ce billet sur sa relation aux autres (je pourrais le faire durer des tomes entiers, mais ce serait aussi barbant pour vous, qu’irritant pour elle), une anecdote qui a eu beaucoup d’importance pour moi.  En effet, j’ai toujours eu du mal à évaluer objectivement ses difficultés. Je savais que ce qu’elle me confiait était son ressenti. Mais était-ce la réalité? A quel point était-ce une part de la réalité? Je n’ai jamais vraiment su l’évaluer tant les signaux que je recevais étaient éloignés de ce qu’elle me racontait.

J’ai déjà pu observer, lors de sortie scolaire, son éloignement des autres, mais elle était plus jeune, et cela pouvait être mis sur le compte de la timidité, de son attachement à moi, ou de bien d’autres facteurs.

Mais l’an dernier, la journée de sélection à l’admission en Sport-Études m’a permise de vivre ça en spectateur averti. Une journée autour d’un thème commun : le cheval.

Une trentaine d’adolescentes (et un ou deux garçons) sont réunies pour une journée de tests à cheval. Personne ne se connait. Les jeunes qui choisissent cet établissement viennent de loin, et tous seront internes (l’Ado sera demi-pensionnaire). Elle sait que dans sa classe ils seront 9. Elle , tout comme moi, identifie, lors de l’appel, 2 ados qui seront dans sa classe.

J’en profite pour échanger quelques mots avec leurs parents. Mais l’Ado n’arrive pas à s’approcher, à créer des liens. Les deux autres jeunes filles de sa future classe discutent déjà entre elles. Deux groupes de cavaliers sont formés, pour le bon déroulé des épreuves. Elle n’arrivera à entrer en contact avec aucun d’eux, alors même quand certains lui parlent, lui posent des questions et essaient de créer le contact. C’est la seule, car tous les autres formaient des petits groupes ou discutaient ensemble.  Et mes encouragements, voire mes aides n’y ont rien changé.

Quand le principal du lycée et son adjoint, venus en visiteur et en tenue décontractée (donc pas du tout impressionnants ou solennels) lui souhaitent la bienvenue, elle arrivera à peine à leur balbutier quelques mots.  Pourtant, ayant rencontré l’un au Salon du Cheval 6 mois avant et l’autre pour son entretien d’inscription en 1ereS, elle avait à leur égard de la considération: ils étaient sympathiques et bienveillants.

Je m’en doutais déjà, mais cette journée m’en a donné la confirmation. Le contact avec les autres lui pose un problème à elle, et non le contraire.  Ca lui demande des efforts. Qu’elle fournit quand elle en a l’énergie. Ce jour-là, son énergie était dirigée vers la gestion de son stress vis à vis de l’enjeu de la journée. Le soir venu, alors qu’elle avait eu le résultat positif de sa sélection, je l’ai vu discuter avec une jeune future lycéenne…. :) Enfin ! 

En tout cas, j’assiste à tous ses (nombreux) concours (je fais chauffeur et groom), et je vois les réactions de ses camarades. Ils ne sont pas toujours à l’inclure à tout prix (et donc elle manque sur certaines photos de groupe) mais ils sont là pour l’encourager, pour l’aider à s’occuper de son cheval quand le timing est trop serré, pour la féliciter, pour lui remonter le moral les mauvais jours, … Alors non, il n’y a pas de « problème » avec le groupe., même si cela ne correspond pas toujours aux attendus et ressentis de l’Ado.

Et pas besoin de la connaitre pour savoir qui est l’Ado sur cette photo, prise il y a quelques semaines. 🙂


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4 thoughts on “Sur le chemin du TSA : la relation aux autres

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