La conscience de la mort, de ce qu’elle signifie arrive très tôt chez les enfants à haut potentiel intellectuel. La Zébrette n’y a pas fait exception. Aussi ses interrogations précoces et ses remarques aussi mignonnes que matures ou ses angoisses et questions existentielles ne m’ont pas étonnées. 

Elle devait avoir 3 ou 4 ans quand elle m’a donné sa définition : « On ne meurt jamais vraiment quand il reste quelqu’un qui pense à nous« . 

Sur ce blog, vous pouvez retrouver ce petit florilège et bien d’autres anecdotes…

Zébrette : »Maman, quand Papa et toi vous serez un peu vieux je vous amènerai des croissants »
Bon, on revenait de la boulangerie avec le précieux paquet 🙂
Zébrette :« Mais pas trop vieux, parce que quand on est trop vieux on est mort. Juste quand vous serez un peu vieux »

Elle a eu sa phase « religieuse », école catholique sûrement, et sa phase très biologique. Elle est restée bien ancrée dans cette phase biologique !

Toujours à 3 ans, alors que je la retrouvais en larmes dans son lit..

Moi: » Qu’est-ce qu’il se passe? »
Zébrette: « j’ai peur… que mon coeur il s’arrête » !!!!!!!!!!!
Moi: » mais ce n’est pas possible. Il ne s’arrête que chez les personnes très âgées ou quand tu as un accident très grave ou une maladie très grave..mais tu n’as rien de tout ça »
Zébrette: » et papa il a eu un accident mais il n’est pas mort »
Moi:« tu sais il y a beaucoup d’accident où on a de la chance et on on meurt pas.. C’est que des très très graves accidents qui entraînent la mort! »
Zébrette:« Mais quand on sera très vieilles toi et moi »
Moi:« Oh ben on a le temps » (euh..j’espère..en tout cas pour moi)
Zébrette:« mais on va s’envoler? »
Moi: » ??? »
Zébrette:« Dans le ciel..quand on est mort » (c’est à l’école qu’on lui a dit ça)
Moi:« ça je ne sais pas. Certains le pensent.. que la petite lumière à l’intérieur de toi elle monte au ciel »
Zébrette:« Mais c’est pas possible. Le cerveau il sera mort et on bougera plus. Tout sera fini. Les petits tuyaux (les vaisseaux), les muscles, les os seront cassés (euh… non), et y’aura plus de sang..alors on pourra pas voler!!! »

Et en plus léger, dans une discussion avec sa nounou…

Zébrette :« C’est bête Tata, quand on sera morte on ne se verra plus »
Carole:« Oh ben on se verra dans le ciel »
Zébrette :« Ah? Tu seras au même endroit que moi dans le ciel???? »

Ou en discussion de famille

Zébrette : « Maman, je t’aime pour toujours »
Le Gars:« et moi? »
Zébrette :« non. »
Le Gars en faisant la bébe : » tu ne m’aimes pas? »
Zébrette : » si je t’aime… mais pas pour toujours »
Le Gars: »Ah? et jusque quand? »
Zébrette :« jusque mardi! »

Puis voyant la moue de son père..« Je t’aime jusqu’à la mort »
Le Gars:« et pas après? »
Zébrette :« mais après on est mort, alors on n’est plus là pour aimer »

Elle évoque l’inquiétude de mourir quand elle sera vieille. On lui explique qu’il faut être vraiment très vieux ou alors avoir un accident..comme ce bébé dont elle a entendu qu’il s’est défenestré.

Zébrette :« Mais Papa, tu as eu un accident et tu n’es pas mort! »
Le Gars:« oui. J’ai eu beaucoup de chance… J’aurais pu mourir et tu n’aurais plus de Papa… ce serait dommage non? »
Zébrette :« Oh oui, parce que le vélo avec les roulettes..comment on ferait avec maman? Et puis elle était occupée maman… »

Explication: juste avant le repas, Le Gars a « réparé » le vélo à stabilisateur de Zébrette qui voulant jouer au jardin avec s’est rendue compte qu’elle n’arrivait plus à le conduire!! Ah ben c’est sûr.. si il était mort.. on aurait fait comment pour le vélo!!!

Elle avait, et je trouvais cela normal, très peur de ma mort (quand elle avait 7 ans elle le justifiait parce que son père et elle sont receveurs universels alors que moi j’ai un groupe sanguin assez rare). Mais quel enfant n’a pas cette angoisse de perdre ses parents ? D’autant que pour la Zébrette, la perte accidentelle de ses parents, ça avait des relents de concret. Et je n’ai jamais songé à la rassurer en lui disant que ça ne pouvait pas arriver. Cette angoisse est toujours aussi présente aujourd’hui. 

Mais tout cela était, pour moi, très normal.

Ce qui l’était moins, c’était son rapport à la mort des autres, réelle ou fictive. Zébrette était une enfant (et est une Ado) très sensible… sauf pour la mort !!!

Elle avait 6 ou 7 ans, donc très consciente depuis longtemps de ce que la mort signifiait, quand lors du visionnage d’un film dans lequel les parents perdent un enfant, elle lance : Ce n’est pas grave, ils peuvent en faire d’autres. Des enfants ne peuvent pas refaire d’autres parents, mais le contraire oui”. Bien entendu, cette réflexion était à contre-courant complet de l’histoire et de l’émotion que véhiculait ce film. Et ce n’était pas la première fois qu’elle avait ce genre de réflexion devant des scènes similaires.

Elle avait 7 ou 8 ans quand elle regarda le film Cheval de Guerre, film qui relie sa passion des chevaux et l’horreur de la première guerre mondiale. Elle l’a pourtant regardé en boucle sans aucune larme pendant des années (contrairement à moi qui ait eu bien assez d’un seul visionnage). Pourtant elle est très sensible à tout ce qui concerne les animaux.

Une autre année, en un début décembre, une des (nombreuses) tantes du Gars descend acheter le pain. A son retour, quelques minutes plus tard, elle retrouve son fils de 35 ans, mort sur le canapé. Crise cardiaque. Il s’appelait Nicolas, c’était début décembre, autour de la St Nicolas. Je ne vous dis pas le cataclysme dans la famille… Zébrette ne le connaissait certes pas, mais sa réflexion « ben oui… il est mort…et ??? » je l’ai gardée pour moi jusqu’à aujourd’hui.

Mais son détachement ne concerne pas seulement autrui :  « la vie éternelle non merci!!!! mais je ne veux pas mourir tout de suite hein… pas avant d’avoir exercé mon métier.. et au moins aussi longtemps que mes années d’études… faut que ce soit rentabilisé pour la société… » (on aurait pu penser qu’elle ait d’autres idées pour sa vie à venir que le travail).

Ce ne sont là que quelques réflexions que j’ai noté de temps en temps, mais son détachement, son absence apparente d’empathie, son côté très terre à terre, m’ont toujours frappés. Encore plus quand elle était enfant. Je dois m’habituer avec le temps je suppose.

Une dernière pour la route, qui est fraîche du jour. Nous regardions le film « Chamboultout » qui est une comédie sur un sujet grave : le parcours d’une famille dont le père a un accident de scooter et reste cérébrolésé et aveugle. Même si notre situation n’est pas aussi dramatique, nous reconnaissons bien sûr certaines situations *. Lors d’une scène (elles sont toujours tournées avec humour et bienveillance), le Gars, pour rigoler, et sur un air tragico-comique lance : « vous ne me feriez pas ça hein?« . Et l’Ado, du tac ou tac, très sérieusement, très factuellement, répond : « Tu n’es pas aveugle« .  Elle ne cherchait pas à répondre avec humour. Et ne cherchait pas non plus à comprendre ce qu’il pouvait y avoir derrière la boutade paternelle….

 

*La Zébrette avait un an quand le Gars a été renversé par un automobiliste alcoolisé. On ne compte plus ni les hospitalisations, ni les immobilisations, ni les opérations, ni les mois d’hôpitaux, ni les séquelles et handicaps. 


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3 thoughts on “Sur le chemin du TSA : le rapport à la mort

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